Une matinée étrange aujourd’hui. Les matins doux du mois dernier cédaient peu à peu du terrain à des journées plus chaudes et chaleureuse. Si le ciel avait été couvert une bonne partie de la nuit, Poison devait constater avec une pointe de dépit que ces petits nuages avaient très rapidement fondu. Elle qui espérait que son beau rosier allait profiter d’un moment de répit pour ouvrir totalement ses magnifiques pétales était forcée d’admettre que la pauvre plante risquait tôt ou tard de prendre un sacré coup de chaud. Il faut dire que la femme était au petit soin avec son rosier et tout le reste de son jardin ; elle bichonnait chaque pousse, chaque brin d’herbe comme s’il s’agissait de son enfant, de quelque chose de rare ou de précieux. Elle aimait les fleurs, c’était aussi simple que cela. Et à défaut d’avoir une tonne d’amis et de compagnons de route, elle se réfugiait souvent dans son jardin, à admirer les merveilleuses plantes qui l’entourait, leur donnant tout l’amour dont pouvait faire preuve son petit cœur de lady.

Mais si le soleil rayonnait pour beaucoup, pour elle, c’était une mauvaise chose. Ses petites plantes chéries ne supportaient guère la chaleur -tout comme elle- et elle ne supportait pas de les voir dépérir. Elle se leva donc aux aurores ce jour-là pour bichonner ses beautés avant que le soleil ne soit totalement levé. Poison alla ensuite prendre une douche rapide, puis elle s’habilla -de ces vêtements qu’elle détestait chaque jour un peu plus- et s’apprêta comme toute femme qui se respecte. La femme avala un verre de jus d’orange, persuadé que cela lui donnerait un bon teint, puis elle quitta sa jolie et coquette maison avec le cœur plus léger.

Aujourd’hui, elle devait se rendre à la mairie afin de rencontrer officiellement ce tricheur de maire, celui qui avait tout bonnement reprit son programme et raflé des votes qu’il ne méritait pas. Poison était en colère devant une pareille injustice, mais sa place au conseil la contentait. Avec ça elle pourrait le contre-carrer plus d’une fois et l’empêcher de faire n’importe quoi dans la jolie ville d’Amnesya dont, de toute façon, il n’était pas capable d’orthographier le nom sans faire la moindre faute. Elle marchait d’un pas rapide, accélérant à chaque fois qu’elle ruminait, comme si se rendre plus vite à la mairie allait changer quelque chose à tout cela. Elle devrait aussi parler à Luck, à l’occasion, pour voir comment faire en sorte de faire basculer les choses en leur faveur. Luck n’était pas une mauvaise fille, elle montrait simplement trop rapidement son jeu. Mais en soit, elle était assez maligne et rusée pour que Poison accepte de s’associer à elle contre ce fichu maire et son petit chien-chien.

La lady grimpa les marches quatre à quatre et déboula en trombe dans la mairie. Dans ce grand-hall ou il n’y avait jamais personne, les bruits de ses talons résonnaient avec un sacré écho. Elle fut pourtant forcée de se stopper net lorsqu’elle aperçut une jeune femme, allongée sur un divan rouge. Une nouvelle arrivante ? Haussant un sourcil interrogatif, Poison s’arrêta un instant pour observer l’inconnue. Elle allait passer son chemin lorsque l’autre ouvrit les yeux, visiblement éveillée. En faisant une drôle de moue, Poison resta là, à l’observer sans savoir quoi faire. Elle se contenta d’un maigre « Bonjour. » et c’était déjà pas mal.