Trois jours. Trois jours que tu avais ouvert les yeux dans un endroit qui ne t'était pas familier. Trois jours que tu avais entendu des voix te susurrer ce nom qui t'était destiné. Nox. La nuit. L'obscurité. Trois jours que tu avais marché sans but, observant le carnage de la ville qui te procurait étrangement un bien être conséquent.

Ils t'avaient enfilé une combinaison. Tu t'étais réveillé comme cela. Chose que tu avais enlevé, du moins jusqu'à tes hanches. Il faisait chaud. Beaucoup trop chaud pour porter une deuxième peau. Tu avais noué les manches sur ta taille, tandis que des tatouages couvraient ton corps d'homme à présent. Tu les avais observé devant le miroir, remarquant chaque détail comme si tu fixais une toile de maitre. Tu étais une véritable oeuvre d'art. Même si tu ne savais pas ce que c'était.

Tu avais vu des livres sur le sol. Des objets fait de papiers et d'encre. Tu en avais lu quelques uns, assis où tu le pouvais. Puis tu avais continué à errer. Tu ne ressentais pas la faim, la soif ou encore le sommeil. Tu regardais les vitrines.

Soudain, il y avait eu cet élan de sentiments que tu étais passé devant cet endroit. Comme si les murs t'envoyaient du bien être par le vent qui soufflait doucement contre ton corps. Tu t'avanças vers les ruines, comme attiré par une force inhumaine. Tu touchais chaque pierre, chaque bout de bois tombé sur le sol. Comment cela se faisait-il que tout était détruit? Comment quelqu'un avait-il pu oser abattre les murs de cet endroit qui devait peut-être être ta maison? Tu ressentais bien que c'était là qu'était ta place.

Alors que tu regardais au loin, perdu dans tes pensées, ton oreille tressaït.

Il y avait quelqu'un pas loin. Quelqu'un qui devait t'observer.

Lentement, tu retournes ta tête dans la direction opposée au bâtiment.

Et soudain vos regards se croisent.

D'une démarche mal assurée à cause d'un déséquilibre, Mist profitait d'une de ses rares journées de repos comme elle pouvait. Le matin même, elle s'était levée, prête à entamer une nouvelle journée sans but. Elle n'aimait pas n'avoir à ne rien faire, elle ne savait pas qui ou ce qu'elle était avant mais une chose était sûre, à l'heure actuelle, elle était dépourvue d'imagination. En dehors du poste de travail qu'elle avait décidé d'occuper en temps que policière, elle n'avait pas encore trouvé un semblant d'activité la stimulant. Il était  vrai qu'elle appréciait la lecture, lui donnant accès à un monde d'émotions dont elle était privée, mais cela ne la suffisait pas. Elle avait besoin de faire autre chose de ses journées. Elle avait besoin de bouger, de se dépenser, de faire n'importe quoi qui puisse empêcher son esprit de tourner dans une boucle vide.

La meilleure option pour une personne comme elle était de prendre au pied de la lettre ce dont elle avait envie alors... elle sortit. Pourquoi faire ? Elle ne savait pas encore mais déambuler lui ferait au moins de l'exercice. Et puis, cela lui permettrait de voir à quel point l'attaque du minotaure avaient causé des pertes.

Aussi étonnant que puisse l'être Mist, l'air de ce début d'octobre était relativement chaud, mais cela ne l'empêcha pas de garder l'intégralité de son uniforme qu'elle avait reçu comme tout les autres habitants de la ville. Dans les rues, elle croisa quelques habitants, réparant eux même les dégâts qu'ils avaient subit ou choisissant simplement de vivre tranquillement le cours de leur vie. Comme  à son habitude, la jeune femme ne s'attarda pas contempler les personnes l'entourant, elle observait mais n'intervenait que très rarement. Généralement, c'était lorsque quelque chose cloché, comme cet homme dont le visage était encore inconnu et qui ne faisait pas parti du recensement manuel qu'elle tenait avec Axel. Un nouvel habitant ? C'était fort possible, après tout, ils n'avaient pas encore compris de quelle manière et à quelle fréquence apparaissaient les nouveaux habitants de cette ville. Comme ci, un intervenant extérieur décidé de tout, les laissant tous dans le flou le plus total. Mais à vrai dire, le plus dérangeant pour la jeune femme n'était pas simplement le fait qu'elle ne l'avait jamais remarqué mais plutôt sa dégaine qui laissait à désirer. Elle comprenait le concept de la liberté d'expression, mais se balader à moitié nue en pleine ville n'était pas vraiment une pratique des plus saines. Et même s'il faisait bon, cela ne restait qu'un début de mois d'octobre.

C'est alors, comme ci l'individu avait ressenti sa présence, qu'il tourna les yeux vers. Bien, elle avait lu dans les livres que le contact visuel était important pour établir une conversation. C'était chose faite.

- Vous venez d'arriver en ville ? Vous savez que ce genre de tenue n'est pas vraiment adapté pour vivre en civilisation ?

Tu ne t'attendais pas à ce regard. Tu ne t'attendais pas à ressentir quelque chose. Parce que tu ne ressentais rien depuis que tu avais atterrit ici. Aucune douleur. Aucun bonheur. Aucune...émotion. Oui, c'était cela le mot parfait. Et pourtant, de ce que tu avais lu, tout le monde en avait. Mais pas toi.

Et tu en jouerais beaucoup plus tard.

Mais lorsque vos regards se croisèrent, ta poitrine commença à accélérer le mouvement et une chaleur émanait fortement de ton bas ventre. Tu ne comprenais pas ses signes, mais tu t'approchas d'elle comme un prédateur prêt à sauter sur sa proie. Sauf que cette proie ne semblait pas apeurée.

Cette voix, ces questions. Ton regard ne quittait pas celui de la demoiselle qui semblait étonné de te voir ici. Te connaissait-elle? Il ne le semblait pas vu ses interrogations. Tu finis par entrouvrir tes lèvres et te mettre à parler de ta voix suave.

- Pourquoi tout est détruit? Pourquoi avez-vous détruit mon centre de luxure?

Tu avais laissé les mots dépassés ta pensée. Ou plutôt tu avais laissé ton incompréhension dépassé le reste. Ton visage ne transmettait pourquoi aucune tristesse, aucune colère. Juste ta voix avait pris la parole.

Tu n'avais pas répondu à ses questions. Tu t'en rendais bien compte, mais c'est surtout que tu n'en avais pas envie. Pourquoi une inconnue voulait-elle savoir si tu étais nouveau? Et pourquoi ta tenue la dérangeait-elle? Certes, tu avais vu certains regards d'hommes et de femmes ces derniers jours qui étaient parfois étranges, mais tu ne t'en étais pas soucié. Tu avais agi en fonction de ta chaleur corporelle. La civilisation était un autre sujet.

L'homme s'approcha, jouant de sa silhouette comme un prédateur. Il cherchait à l'impressionner, il était tombé sur la mauvaise personne. Mist n'était impressionnée par rien et personne. Enfin si, peut être l'avait-elle déjà ressenti une fois, lorsque le Minotaure était apparu. Peut être l'avait-elle déjà vécu avant, mais elle ne se souvenait pas. Comme elle ne se rappelait pas avoir un jour exprimé quelque chose d'autre que son éternelle indifférence.

Il la regardait comme si elle était celle qui le dérangeait et non l'inverse. Comme si s'était elle qui n'était pas à sa place. Comme si...il était le maître de cette ville.

- Je n'ai rien détruit. La ville est ainsi depuis l'attaque du Minotaure. Déclara-t-elle d'une voix calme.

D'après sa mémoire, il n'y avait jamais eu de centre de luxure ici. Cet inconnu délirait-il comme le faisait Joker ? La brune avait déjà assez de gérer les problèmes de la ville, elle n'avait nullement envie qu'un deuxième fou vienne semer la pagaille.

De ses yeux noirs, elle le transperça du regard. Elle avait l'impression qu'elle pourrait lire en lui si elle se concentrait assez. Bien sûr, ce geste fut vain. Cet homme n'était pas comme ceux qu'elle avait rencontré avant. Elle ne pouvait pas lire, pas étudier ce qu'il ressentait. Il semblait figer dans le même sentiment. De ses pores, ressortaient simplement la colère. C'était intriguant, voilà un autre être sans doute fait du même bois qu'elle.

- Vous n'avez pas répondu à ma question. Qui êtes-vous ?

Analysant que l'homme ne réagirait sans doute pas plus à sa question, elle préféra changer de tactique. Elle lui montrerait comment faire. Elle avait lu dans un livre que les humains avaient besoin d'être mis en confiance avant de s'exprimer. Peut-être était-il seulement prudent.

Alors, la jeune femme fit disparaître les quelques pas qui la séparait de l'Apollon et tendit la main. Si elle avait pu, Mist aurait sourit mais d'après Brume, celui-ci représentait plus une grimace de dégoût qu'un réel bon sentiment.

- Je suis Mist. Je suis arrivée dans cette ville il y a 7 mois. Depuis, je me charge du commissariat avec un autre habitant.