Raphael & Alex

Sweet Dreams

Elles ont l'air lourdes, ces paupières. On pourrait croire qu'il est plongé dans un sommeil réparateur, dans lequel il s'épanoui pleinement.  Pas une seule seconde, on ne peut s'imaginer que le garçon est plongé dans un néant total, avalant totalement cette mémoire qui défini son identité. Qui est-il, cet homme si calmement installé dans le sofa ? Le nom résonne presque dans sa tête, une voix semble l'appeler d'outre tombe.

Raphael.

Comme lorsqu'on se réveille d'un mauvais rêve. Lui se redresse brutalement. Sa grande inspiration pourrait sous entendre qu'il n'est qu'un cadavre dont l'âme l'avait presque quitté, mais l'état d'alerte dans lequel il se trouve en ouvrant grand les yeux montre qu'il est bel et bien vivant. Raphael ; est-ce un être humain ou bien simplement le fruit de son imagination ? Pas une seule seconde il vient à l'esprit de ce parfait inconnu de réfléchir à sa situation. C'est la définition du chaos, de l'incompréhension et surtout, de la surprise. La surprise d'être ici, sans personne pour justifier qu'on l'ait tiré de ce profond sommeil.

Combien de temps est-il resté hagard dans ce foutu fauteuil rouge, fixant le néant ? Quelques secondes ? Des minutes ? Des heures ? Personne ne sait, le temps semblait s'être figé tandis que l'homme tentait de rassembler ses pensées pour trouver une quelconque explication rationnelle. Mais rien ne lui vient. Aucune justification, aucun souvenir, aucune mémoire hormis celle qui lui rappelait sans cesse son nom. Raphael. Arrive enfin l'hypothèse du rêve éveillé, et c'est celle-ci qui le pousse à finalement se lever pour abandonner le confort de cette couchette. Pas une seule seconde il ne lui vient l'idée de se pincer pour effectuer le test de la douleur et confirmer de son éveil. Non.

Qu'en est-il de ce monde créé par l'imaginaire ? D'ailleurs, comment peut-il s'imaginer imaginer de telles choses et sur quoi peut bien se baser son subconscient pour créer de tels mirages ? Il soupire, le gringalet, quelque peu agacé par la situation. Tout sera fixé en sortant de cet endroit, ou du moins, c'est ce qu'il croit. Raphael ignore totalement le pichet d'eau et toute autre décoration futile et se jette presque à l'extérieur de ce grand Hall. De part une direction aléatoire qu'il prend, l'amnésique parvient tout de même à trouver la sortie et fini, littéralement, à la rue. Ses lèvres scellées ne laissent transparaître aucune émotion ni même pensée particulière, bien trop occupé à analysé chaque recoin des bâtiments qui l'entourent... Jusqu'à ce que ses yeux se posent sur un type louche, de l'autre côté de la rue. Un blond, aux cheveux mi-long avec un air particulièrement louche. Probablement un criminel songe t-il. D'ailleurs, il ne peut détacher ses prunelles de ce parfait inconnu. Peut-être parce qu'il est le premier qui ait réellement attiré son attention dans tout ce grand inconnu qu'il s'imagine imaginer. Quel drôle d'idée d'intégrer un type pareil dans son imaginaire. Bien qu'il soit parfaitement silencieux au milieu de cet inconnu, les pupilles de Raphael trahissent sans nul doute le jugement qu'il émet intérieurement. Et qu'importe s'il s'attire des problèmes. Ce n'est qu'un rêve, un fichu rêve dans intérêt dont les chapitres précédents sont tout simplement vierge.

Raphael & Alex

Sweet Dreams

Il lui paraissait bien trop vrai pour être réel. En tout cas, c'est ce dont Raphael tentait de se persuader en regardant ce type se rapprocher de lui sans l'ombre d'une hésitation. "Hé". En voilà une drôle de façon de saluer quelqu'un, de quoi bien confirmer son intuition quant au milieu d'appartenance de ce parfait inconnu. Probablement un voyou placé ici par son subconscient, afin d'affoler ce muscle au creux de sa poitrine. La rationalité, un concept parfois abstrait auquel Raphael tente de se raccrocher désespérément.

Sans un mot, Raphael tente de rester indifférent face au comportement du blondinet. En fait, il est presque agacé par cette facilité qu'il a eu de l'aborder. Il détourne les yeux, pour l'ignorer royalement, mais est indubitablement de nouveau attiré vers lui lorsqu'il entend sa deuxième phrase.  Bienvenue à Amnesya. Nerveusement, il arque un sourcil, dévisageant l'homme sans se soucier de paraître désagréable.

« Pardon ?... C'est donc bien à moi que vous parliez. »

Amnesya ? C'était quoi ce nom ? Pourquoi diable ajoutait-on ce nom ridicule. D'où sortait-il ? Et pourquoi ce parfait inconnu semblait si à l'aise avec Raphael ?

« Je suis désolé, je pense que vous faites erreur. Je ne suis pas la personne que vous attendiez. »

Mais en fait, qui était-il réellement ? Qui attendre, pourquoi ? Ses sourcils se froncent à sa propre réflexion, tandis que ses yeux se perdent vers l'inconnu. Il lui faut un fragment de secondes pour remettre ses idées en place. Ce n'est qu'un rêve. Un simple rêve, rien de plus. S'il ne sait rien, tout est justifié par le contexte instauré de ce maudit rêve et, ce type, ce parfait inconnu, n'est autre qu'un mirage. Oui. Il cherche un moyen de se rassurer, car tout ce vague, ce flou dans lequel son existence s'engouffre le terrifie intérieurement.

Alors, tout bêtement, cherchant à confirmer sa théorie, Raphael tend sa main et plante son index sur la joue d'Alex, sans la moindre gêne. Mais contrairement à ce qu'il supposait, l'ombre ne disparaît pas. Ce bandit reste bien encré devant lui, probablement fou de rage devant l'audace du maigrichon.

« ...  » Sa bouche est entrouverte. Dans un premier temps, aucun son ne sort, aucune excuse. Le bras de Raphael retombe contre son corps, tandis qu'il fronce les sourcils. « J'étais pourtant persuadé qu'il disparaitrait en faisant ça. » Marmonne t-il en fixant le béton à ses pieds, ignorant royalement le policier en face de lui.

Raphael & Alex

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A toujours chercher une explication rationnelle, il lui est difficile d'accepter la dure réalité. Ce grand blond est loin d'être une simple illusion et pourtant Raphael refuse de l'accepter, malgré qu'il le lui répète. Oui. Alex est bien réel. Mais comment est-ce possible ?

Ses lèvres sont scellées. Au fond de lui, il sent cette bête grandir, gronder. L'angoisse. Celle qu'il réfute catégoriquement pour garder la tête haute et ne pas avoir l'envie de fuir. Fuir où ? A bien y regarder, tout se ressemble ici. Chaque bâtiment est une copie conforme de l'autre. Un monde onirique était pourtant l'explication la plus viable, alors pourquoi ? Pourquoi ce voyou n'a pas disparu ? Chaque détail semble alors lui sauter aux yeux comme une grotesque supercherie, si bien qu'il devient de plus en plus livide. Est-ce un gag ? Une comédie ? Le cerveau en ébullition lui fait quitter terre, obligeant Alex à le ramener en un claquement de doigts.

Tu es perdu, c’est normal. Tu t’es réveillé dans cette pièce toute décorée, pas vrai ? Bien. Moi aussi, je suis passé par-là.

C'est "normal". Cette simple phrase ne lui plait pas. Normal. En quoi est-ce normal d'être perdu ? Est-ce qu'on l'a drogué ? En réalité, Raphael n'a même pas regardé cette pièce, parce qu'il se refusait de réfléchir. Les pensées continues de se bousculer, mais Alex parvient à le maintenir attentif. " Moi aussi je suis passé par là." C'est à s'en arracher les cheveux et, à nouveau, Raphael ne rêve que d'une chose. S'enfuir. Loin. Très loin.

On va commencer par les bases. Je m’appelle Alex. C’est la seule chose dont je me rappelais à mon réveil. Tu dois pouvoir te rappeler de ton prénom, non ?

Et voilà qu'il le scotche à nouveau. Comment peut-il savoir tant de chose ? Est-ce dont vrai, ce qu'il vient de lui raconter, ce bandit ? Sa seule réaction, c'est un rire nerveux, discret mais à la limite de partir dans l'hystérie. Une grande inspiration plus tard, le voilà de nouveau stoïque. Ou presque. Seuls ses yeux perdent ce calme olympien qui semblait le caractériser depuis le début de la rencontre.

Dis-moi Alex. Qu'est-ce qu'il y a de "normal" à perdre la tête ?

On pourrait l'imaginer hautain envers ce parfait inconnu, mais Raphael ne peut pas camoufler sa voix tremblante. La douleur est là. La sécurité qu'il chérie tant a volée en éclat et il n'est plus qu'une proie à la merci des plus forts. Ceux qui savent, c'est ceux qui ont le pouvoir.

Qu'est-ce que ça va m'apporter de me souvenir de mon prénom ? J'ai tout perdu. Il marque une pause, fixe la porte derrière lui, hésitant à retourner dans cette fichu pièce qui l'avait vue renaître. Qui je suis, qu'est-ce que je fais, est-ce que j'ai une famille ? Est-ce que c'est vraiment normal pour toi ? Et il insiste amèrement sur le mot normal, qu'il semble débéqueter au plus haut point. Si on retourne dans cette pièce, est-ce qu'on trouvera des indices ? Puis, abandonnant l'idée temporairement, il plante ses prunelles noisettes dans celles du policier. Et si tu me cognes la tête assez fort, ça va me revenir ? Tout n'est que pure folie. Autant y aller à fond.

Raphael & Alex

Sweet Dreams

Il se la joue cool, le dénommé Alex. Mais rien n'y fait. Cette angoisse est bien là, et rien ne peut la faire s'en aller. Ces exercices de respiration, Raphael se refuse de les suivre pour la simple et bonne raison que cela ne changera pas les faits. Le voilà, au beau milieu de nulle part, en compagnie de personne totalement inconnu. Qu'y a t-il de rassurant là dedans. D'ailleurs, Alex se méprend sur quelque chose. La santé va avec l'être, et l'humain ici est incapable de se rappeler de qui il est. Bonne santé ? Et si cette amnésie était lié à un problème majeur dans son système. Si le policier a réussi à capter l'attention du nouveau venu, c'est peine perdu pour tenter de le raisonner.

Raphael.

Quel nom pourri ! Quelle idée de se souvenir d'un simple prénom. Il enrage intérieurement, incapable de se focaliser sur autre chose. Découvrir par moi-même, en commençant par où ? C'est à s'en arracher les cheveux, mais il tient bon le bout d'homme. Les joues rosées par cette pression qu'il ne peut contenir, il enchaîne, désobligeant à souhait. Tout ce que tu me racontes est totalement incohérent. Inconsciemment, il provoque. C'est sa manière de se protéger, de rationaliser. Et pourquoi t'es là toi ? Qu'est-ce qui me prouve que t'es pas l'auteur de cette machination vu que t'en sait pas mal ? Les relations humaines n'étant pas son fort, il ne mesure pas l'ampleur de ses mots. Accuser ouvertement Alex de complicité dans toute cette histoire, c'est osé, mais Raphael ne recule pas. L'angoisse, la colère et tout le reste ont brisé ce mur derrière lequel il se cachait. Cette sécurité a volée en éclat à l'instant ou cette situation n'était pas qu'un simple rêve.

Et puis, tandis que ses iris noisettes dévisagent Alex, cherchant une quelconque réponse,... Il l'entrevoit. Ce flash, qui le fait vaciller, arrachant un juron alors qu'il baisse la tête un court moment avant de contempler la scène. Puis tout redevient noir. Raphael cligne des yeux, encore un peu sonné par ce qui vient de se produire. Génial, voilà que j'ai des hallucinations maintenant. Nerveusement, il passe la main dans ses cheveux, oubliant totalement la présence d'Alex pour se plonger dans ses pensées. C'était quoi ça ? Et c'était qui exactement ? Pourquoi cette sensation lui semblait-elle si familière ?

Raphael & Alex

Sweet Dreams

Un drôle d'univers particulièrement macabre si Raphael s'imagine, ne serait-ce qu'une seconde, soulever le goudron. Que trouverait-il ? Des démons qui se délectent de les tourmenter de la sorte ?

Il soupire. De toute façon, quelle autre solution a t-il a part se fier totalement à ce bougre d'inconnu sorti de l'autre bout de la rue. Ce prétendu policier... Un justicier comme Raphael ne semble pas réellement apprécier.

Faire du mal aux autres ?

Il répète ces mots, le garçon. Ca résonne dans sa tête, et il fronce les sourcils. Comment diable pourrait-il faire du mal aux autres ? Tout son corps se raidit à l'idée d'être considéré comme un criminel, et la justification que lui donne Alex lui donne presque envie de détaler sec. La confiance que le nouveau venu tentait de placer en cette figure de l'autorité s'évapore complètement à l'instant où Raphael réalise le sens des mots employés.

T'accompagner au commissariat ? C'est une blague j'espère ?

En plus d'un air ahuri, voilà que Raphael est complètement outré par les propos tenus par l'officier en face de lui. Non. Hors de question. Il n'ira pas, et c'est aussitôt traduit par ce mouvement de recul qui le trahis.

Non. Nope. Non. Niet. Nada. Non et re non.

C'est dingue ! En plus de le considérer comme une menace, voilà qu'on l'emmène au commissariat ! Il Hoche la tête, refusant de plus belle. C'est lui la victime dans ce canular, pourquoi faut-il l'emmener en prison ? Instinctivement, il croise ses bras, cherchant à se protéger d'on ne sait quoi, puis il inspire profondément avant de planter une dernière fois ses yeux dans ceux d'Alex.

Ecoute, c'est gentil, mais non merci. Si je ne suis pas en état d'arrestation, je vais juste... Me débrouiller tout seul. Ouais. Ca me semble pas mal. Aller ... Salut hein.

Et sans attendre, il fait un pas. Puis deux. Puis trois. Au bout du quatrième, Raphael s'arrête, réalisant pleinement qu'il n'a nulle part ou aller... Alors, un peu "malgré lui", il se retourne silencieusement pour fixer encore une fois le policier qui n'a presque pas bougé d'un poil...