C’est d’un pas décidé que Prudence décida de quitter le bar. Il venait d’avoir une sacrée discussion avec Ash sur les récents évènements et même s’il ne savait pas encore exactement quoi penser de tout cela, il ne pouvait s’empêcher de resonger à chaque propos tenu par le jeune homme. Il avait fini par le sentir sincère, réellement sincère. Et c’était probablement là ce qui le perturbait le plus. Il s’était imaginé que Puck et Ash étaient d’horribles personnes qui ne comptaient sur rien d’autres que sur la rigolade pour tout détruire autour d’eux, comme des petits diables posés sur les épaules des gens. Mais aucun diable ne serait assez bon pour s’excuser et c’était bien là ce qui était le plus perturbant. Des regrets, c’était ce qu’avait formulé Ash, en découvrant visiblement que Prudence n’avait jamais donné son accord et, pire encore, qu’il n’avait jamais eu vent de cette fête. Et maintenant, c’était le tatoué qui était prit de remord. Est-ce qu’il n’avait pas jugé un peu trop sévèrement les deux hommes ? Pour Puck, il était certain que non ; cet idiot méritait bien qu’on l’écartèle sur la place publique pour le punir de troubler la ville d’Amnesya, si paisible d’ordinaire. Mais qu’en était-il d’Ash au juste ? Prudence décida qu’il ne servait à rien d’y songer pour le moment et qu’il serait probablement plus sage d’attendre quelques jours et de re-songer à tout cela à tête reposée, histoire de ne pas prendre la moindre décision dans la précipitation. Pour l’heure cependant, il devait rendre visite à Aloïs. Ce n’était absolument pas une visite de courtoisie bien évidemment ; il voulait savoir ou en était l’enquête sur le bar, et les procédures à suivre. Il avait décidé de le prendre au mot, lorsque ce dernier lui avait proposé son aide, pour lui demander d’appuyer son dossier auprès de Mist et Alex, qui, bien qu’ils doivent être occupés avec les évènements récents, avaient la charge de cette affaire. Et aussi auprès de Poison, la juge. Elle, il ne la sentait pas, mais alors pas du tout et il avait la très nette impression qu’elle ferait tout pour le faire couler, même si cela était absolument injustifié. Pourquoi ? Il n’aurait su l’expliquer, il avait juste un très mauvais pré-sentiment à son encontre ; comme si derrière cette image de femme parfaite et ravissante qu’elle donnait, se cachait en réalité un horrible monstre.

Il avançait d’un pas déterminé parmi les rues du centre-ville en pleine reconstruction. Les mains dans les poches il observait les bâtiments encore en ruine. Le minotaure avait fait de sacrés dégâts et une part de lui était bien content de ne pas être resté sur place ce jour-là. Enfin, de toute façon, vu l’état dans lequel il se trouvait, il n’aurait pas été très utile à quoi que ce soit. Il avait été bien mieux, pour tout le monde, que Prudence rentre tranquillement chez lui ce jour-là et y reste enfermé les jours suivants. Au moins, il avait pris le temps de se changer les idées en restant loin des autres et, d’une certaine manière, il s’était un peu retrouvé avec lui-même, ce qui ne lui avait fait que du bien.

Il gravit les marches de la mairie quasiment au pas de courses et traversa le hall comme un conquérant. Il n’y avait pas de temps à perdre, il ne voulait pas prendre le risque de manquer Aloïs parce qu’il rentrait chez lui après une journée de travail. Redoublant d’efforts, il arriva finalement à la porte qui menait au nouveau bureau de son ami. Il frappa et attendit un instant, mais comme il n’entendait pas le moindre bruit à l’intérieur, il se demanda si Aloïs l’avait entendu. Tournant la poignée, il pénétra dans la pièce pour découvrir qu’elle était vide. Un café fumant était pourtant posé sur le bureau, il devait donc être dans le coin ! Déterminé, Prudence décida de l’attendre là et s’installa sur un fauteuil, patientant sagement.

Assis, les bras croisés sur son torse, Prudence avait fermé les yeux l’espace d’un instant, attendant sagement et avec patience qu’Aloïs ne revienne. Il avait réellement hâte d’avoir enfin une réelle discussion avec lui au sujet des évènements récents. Alors, quand il entendit la porte s’ouvrir dans son dos, il rouvrit les yeux avec une pointe d’amusement -même si ce n’était ni l’endroit ni le moment pour se divertir- et se tourna légèrement. Mais la personne qui entra était bien loin d’être le maire qu’il attendait tant. Une tête brune le regarda un instant avant que la porte ne se referme derrière elle. Mist venait d’entrer dans le bureau du maire et semblait relativement surprise de le voir ici. Prudence aussi était assez étonné, mais il se rassura bien vite ; Mist était policière, elle devait régulièrement se rendre ici. D’autant plus que sa surprise laissait clairement transparaitre qu’elle ne s’attendait pas à le croiser et donc qu’Aloïs ne l’avait pas envoyé pour se débarrasser de lui rapidement. Mist. Il avait entendu dire qu’elle avait eu les jambes broyées par le minotaure, après les récents évènements. Pourtant elle se tenait debout sur ses deux pieds. A croire qu’elle était dotée d’un corps bionique ou quelque chose comme ça, pour sembler en si bonne santé. Mais après tout, peut-être que ce n’était qu’une apparence.

Il y eut comme un silence, un moment de flottement, avant qu’elle ne prenne finalement la parole ; « Prudence. En voilà une surprise, je ne t'ai pas revu depuis... l'incident. As-tu pu régler tes problèmes ? » L’intéressé secoua doucement la tête. Non il n’avait pas pu résoudre ses problèmes, qui commençaient d’ailleurs à devenir une sorte d’affaire d’Etat. Il se garda bien d’en faire la cynique remarque et se contenta d’un haussement d’épaule en guise de réponse. Cependant, sa question sonnait un peu étrangement aux oreilles du tatoué. Elle était flic, non ? Elle devait donc savoir mieux que quiconque ou en était toute cette histoire. Il se mordit l’intérieur de la joue pour ne pas paraitre désobligeant et décida d’enchainer sur un autre sujet. « Bonjour Mist. » Il ne savait pas franchement quoi lui répondre. Ils n’avaient jamais été très proches tous les deux et il avait l’impression de percevoir une sorte d’animosité placide dans le caractère de la jeune femme. « Eh bien, c'est vrai que c'est à nous de régler ce problème. Le Maire est-il là ? » De nouveau Prudence secoua la tête. Décidément, le maire était beaucoup demandé ! « Je l’attendais. » Ouais, Prudence n’était toujours pas devenu un exemple de personne causante et agréable depuis son arrivée, mais il n’avait pas pour intention de changer de comportement. « J’ai appris que tu avais été blessée. » Là encore, ce n’était pas très causant, mais c’était mieux que rien, pour combler l’espèce de distance entre eux. Prudence n’allait certainement pas s’excuser de ne pas avoir participé à cette espèce de guérilla contre un monstre. Le fait que Mist soit blessée ne le concernait pas tant que cela, en fin de compte, mais il avait un peu d’égard pour elle. « Est-ce que tu veux t’asseoir ? » Il y avait d’autres places, mais son siège était de loin le plus confortable de la pièce après celui du maire. Chassez le naturel et il revient au galop, Prudence ne pouvait décidemment pas s’empêcher d’être gentil avec les autres.